lundi, avril 06, 2009

MARSEILLE QUART NORD, chronique marseillaise. Ed. Sulliver, 2009, 288 p.


Marseille, quart Nord
Benito Pelegrín

Paru le 17/03/2009 - format 14x21 - 288 pages - 19 euros


Présentation de l'éditeur:
Au faîte d’un parcours d’universitaire et d’auteur réputé, Benito Pelegrín nous livre une chronique sur les quartiers nord du Marseille de son enfance de jeune exilé espagnol, à Saint-Louis, creuset profond des immigrations marseillaises. Sur fond de crise du logement (le mouvement des squatters naquit ici), c’est, avec un regard d’aujourd’hui, l’évocation d’un Marseille ouvrier des années 50, ses problèmes, ses fêtes, sa mentalité, ses conflits sociaux, ses solidarités, mais encore sa puissance industrielle.Par petites touches, entre mélancolie et surtout humour, se dévoilent la fresque d’une époque et les frasques de toute une galerie de personnages vivants et pittoresques avec leurs façons de parler, de penser, une comédie humaine à l’échelle d’un quartier, d’un squat, et la chronique se fait roman et théâtre : Marseille, en somme.


Extraits :
1)

Marseille, entre Joliette, Arenc et le Merlan : débuts des quartiers nord... Squelettes de bâtiments, docks déserts, usines délabrées, vieux silos en ciment désertés de grains perdus, anciennes minoteries autrefois regorgeant de farine, de riz ; huileries, savonneries, raffineries de sucre qui gardent encore, au souvenir, le tenace parfum, l'odeur rance, le relent du coprah, de l'arachide, du colza ou de la canne à sucre. Qui conservent des noms effacés des façades fantômes : Pâtes Scaramelli, Biscuits Coste, Huileries Roux, Sucre Saint-Louis, Savon le Chat, Savon l’Abeille, Javel Lacroix, Messageries maritimes, Réparations navales Terrin... Hangars comme des bateaux à l’envers, quille à l’air, échoués sur des môles désertés de navires fantômes, entrepôts désaffectés, friches industrielles, vestiges, encore présents, d'une grandeur déchue. Il n'en reste souvent que des toits défoncés, des pans de murs debout et des fenêtres vides, des ouvertures hagardes ou, suprême dérision, sur la muraille aveugle de moellons grisâtres en blocs dépareillés, l’éclat insolite d'une fraîche faïence colorée qui proclame encore : Franco-indochinoise du riz. Plus que vrai et pauvre métissage culturel, sans doute réelle et prospère société mixte d’un colonialisme économique tranquille et fier de lui. Marseille, autrefois Porte de l’Orient… Marseille d’aujourd’hui ou de juste hier malgré des signes de renouveau actuels, qu’on espère renaissance avec 2013, millésime de la chance.Je ne peux effacer les premières images de tout jeune immigré d’une Espagne franquiste, années 50. Ma mère, mes deux sœurs la grande et la petite, et moi, chacun une valise proportionnée à sa taille à la main, nous tenant de l’autre. Nous laissions derrière, pour longtemps, Barcelone, le passage clandestin par Andorre et l’étape forcée à Rivesaltes. Enfin, Marseille : des ruines encore de la guerre mais pansées presque irréellement sous un ciel effrontément bleu, qu’aujourd’hui je dirais minéral, lavande, mais étrange : un ciel tout neuf sur une ville vieille et ruinée.

2)
CONTE DE NOËL

Malgré la sombre suspicion que lui inspirait l’Église [souvenir de l’Espagne] avec mes sœurs, [ma mère] me traînait à l’église pour les grandes fêtes religieuses et, malgré mes protestations, elle avait consenti à voir ses enfants figurer dans la crèche vivante :
- Qui sait, ça nous portera peut-être bonheur…
Par logique onomastique, ma petite sœur Angelita faisait un ange, l’aînée, Magdalena, la Madeleine, tandis que moi, à cause de mes boucles dorées, mortifié, mort de honte, j’avais déjà été l’Enfant Jésus charpentier et, grandi, avais accepté comme un moindre mal d’être le Ravi.
Dans la crypte, nous attendions l’heure : Madeleine, pouffant de rire, tentait de faire tenir droit l’aile d’ange en papier de ma petite sœur en larmes, récalcitrante malgré le fil de fer ; Saint Joseph s’arrachait les cheveux de ne pouvoir coller sa barbe; la Vierge Marie essayait des poses pieuses, mastiquant son chewing-gum, remettant du rouge à lèvres, du rimmel à ses yeux, montre-bracelet au bras et talons aiguilles sous la robe, déjà prête pour le réveillon profane après la messe ; moi, dans mon coin, je faisais de la résistance, transformant, par une casuistique réserve mentale, les bras levés d’allégresse alleluïesque que me demandait le curé, en V churchillien de la Victoire quand déboula une sainte famille, le père, le fils et sinon le Saint Esprit, Madame et Belle–maman, lui, costume trois pièces, cravaté jusqu’aux yeux, Kodak en bandoulière, collier de perles, gants, chapeau et sac à main pour les dames, avec un adorable bambin blond. Le curé s’écria :
- Ah, voilà mon petit Jésus qui arrive enfin !
- Dis bonjour à Monsieur le curé…
- Pas bonjoul au culé
Et l’angelot opposa un mutisme farouche de ciel qui se ferme aux prières de la famille et aux risettes du curé. L’homme de Dieu finit par prendre le petit dans ses bras, le jaugeant tendrement du regard :
- Alors, qu’est-ce qu’on dit à Monsieur le curé ?
Les présents, oreilles dilatées et sourire d’extase suspendu en silence aux lèvres du chérubin, entendirent résonner la petite voix dans la vaste crypte :
- Melde, pédé.

PREMIERS ÉCHOS

Quatre heures d’émissions radio en un mois :

France-Culture
: Francesca Isidori : « Les affinités électives… de Benito Pelegrín » : "Votre livre est très beau, très fort et très émouvant" ; "c'est une parole d'une humanité rare".

« Quel bonheur et que d'émotions à lire Marseille, quart Nord. […] On est très ému, et en même temps on rit beaucoup, grâce aux dialogues. »
François Noudelmann, France-Culture

France-Culture, L'Esprit public, 3/05/2009, émission de Philippe Meyer avec Max Gallo, historien et romancier, Jean-Louis Bourlanges. Professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, Philippe Labarde, journaliste, Yves Michaud , philosophe et directeur de l'Université de tous les savoirs.
Yves Michaud: Marseille quart Nord [livre] "du même genre [goûteux que Codicille de Genette] mais non pas savant, plein de subtilité, d'humour, de sensibilité […] C'est absolument merveilleux. [Il y a ] l'humour, la solidarité, l'amusement [tel le chapitre sur les Marseillais à l'Opéra : citation et rire des assistants]. […] un livre absolument délicieux, plein de beauté et d'humanité, à lire. [Un rappel] sur le Baroque, d'Un Temps d'incertitude, à lire, vraiment, à lire."


Radio Libertaire, 13 mars 2009 (19h/21H)

[…] livre, Marseille quart Nord, dont on peut dire tout de suite qu’il est extrêmement attachant, savoureux, se lit très facilement, très agréablement. Il y a des tas d'anecdotes [pittoresques], "des scènes hautes en couleur", une vraie gourmandise des mots, la marque d'un écrivain". "Je l recommande vivement."
Bernard Graber (UNION RATIONALISTE)


RADIO BLEU PROVENCE : le 5 avril 2009.


RADIO GALÈRE, 15 avril 2009, 11-12 h.:

"Ce livre m'a enchantée", "un beau livre", un petit-chef-d'œuvre d'humour", "j'espère que vous serez nombreux à le lire."
Christine Hollard

TÉLÉVISION :
FR3, 28 AVRIL 2009, le 19/20 : reportage sur les lieux de Marseille quart Nord avec l'auteur.
Radio Grenouille, Thérèse Basse et Christian-Marie Moschetti, le 25.05.09 :

« Marseille quart nord est une belle comédie humaine […] dans un style vivant, avec beaucoup d'humour et peu de désespoir. »
« C'est une chronique proche de l'essai qui soulève des problématiques sociales.»
« La langue française, chez vous Benito Pelegrin, est un butin d'amour ! »

« Un livre majeur pour ceux qui s’intéressent à Marseille. Une belle comédie humaine. »

France Culture, A plus d’un titre, Jacques Munier, le 26.05.09 :
« Marseille quart nord est un récit, une belle histoire, d'intégration à la française […] mais aussi une histoire d'exil et de deuil où l'humour et l'autodérision ne sont jamais loin. C'est un ouvrage touchant, très émouvant. »


Radio France Bleu Provence,
Chronique de Médéric Gasquet-Cyrus :
« Dites-le en marseillais » 1 juillet 2009, 7h25 et 17h15

Dans un récit très riche (Marseille quart Nord – Chronique marseillaise, éditions Sulliver), Benito Pelegrín nous plonge dans les quartiers populaires de Marseille dans les années 1950, le tout avec un travail très intéressant sur les prononciations locales et même des réflexions métalinguistiques sur les parlures marseillaises.

« Une lecture d’été mais certainement bien davantage encore, car le livre dont je vais vous parler n’a rien d’une petite historiette méridionale fleurant bon le pastis et la farigoulette, non. Marseille quart Nord de Benito Pelegrín est un volumineux récit qui retrace la vie d’un jeune exilé espagnol dans les années 50 dans les quartiers nord de Marseille.

Cette Chronique marseillaise ne manquera pas d’intéresser tous ceux qui veulent se plonger ou replonger au cœur d’une Marseille populaire au-delà des clichés et des images trop lisses.
Mais ce récit est remarquable aussi par l’intérêt que Benito Pelegrín porte à la langue et retrace notamment à la transcription des dialogues et de la prononciation […]
L’auteur signale ainsi des façons de parler authentiques […]
En fait, c’est tout le livre qui est traversé par une réflexion qu’on pourrait appeler métalinguistique. […]
Je continue de travailler sur ce livre mais vous pouvez dès maintenant aller vous plonger dans Marseille Quart Nord de Benito Pelegrín aux Éditions Sulliver »





PRESSE ÉCRITE

« récit à la fois autobiographique, et romancé avec beaucoup d’humour, du Marseille ouvrier des années 1950. Souvenez-vous : les aventures de Tatie Vonne, la tonitruante militante communiste, celles de Madame Jolival, la plantureuse ex-nonne… Benito Pelegrín, avant d'être honoré par les universités et le fleuron de la presse régionale indépendante, a connu dans sa jeunesse la dureté de l’exil,fuyant avec sa mère et ses deux sœurs, l’Espagne franquiste. Sans ostentation, le travail de mémoire qu’il réalise ici décrit une époque en plus de profondeur que bien de savantes thèses historiques. À lire ou à relire. »

Michel Gairaud, LE RAVI




La chronique de Jacques Lovichi
Dimanche 5 avril 2009


Pèlerinage aux sources de l'exil

Pourquoi le cacher, voilà plus de cinquante ans que Benito Pelegrín (avec un accent aigu sur le i, siouplaît!) est un ami. Nous en savons sans doute plus l'un sur l'autre que la plupart des gens qui nous connaissent. Je croyais tout savoir de lui, ou presque. Je me trompais. Voilà qu'il nous donne un récit (ainsi le livre est-il nommé en couverture) sur son enfance marseillaise de jeune exilé espagnol; avec une exubérance inattendue, une jovialité émue, un humour attendri, si enfouis en lui que, jusqu'ici, ne pouvaient les connaître que ses proches immédiats. On sait ma répulsion pour ce qu'il est convenu d'appeler l'auto-fiction; il s'agit ici (c'est très rare) d'une exceptionnelle réussite. Dès l'avant-propos, nous voilà prévenus: "Sauf les personnes historiques citées, mes maîtres et deux camarades, tous les autres personnages sont inventés pour symboliser, rappeler, de façon plaisante, des idéologies, des sentiments, des manières d'être et de penser d'une époque où monde des hommes et des femmes étaient encore très séparés. "
Réparti en quatre unités (Des lieux; Des noms; Des gens; Des idées), le livre s'attache d'abord à montrer la vie spécifique d'un quartier situé entre Joliette, Arenc et Le Merlan, début de ces quartiers nord qui de nos jours défrayent parfois la chronique marseillaise. C’est 1a partie que je préfère. Pelegrín, sans jamais y tomber dans un populisme outrancier, conte les vies minuscules de ces petites gens, ni meilleures ni pires que d'autres, avec cet immense avantage d'être à la fois dedans et dehors, puisque, issu d'une famille d'anarchistes espagnols (donc: venu d'ailleurs), il a su s'intégrer sans jamais se confondre avec une population certes autochtone mais également étrangère -Juifs, Arméniens, Corses, Andalous, Catalans, Italiens, que sut toujours accueillir une cité composite dans laquelle on était pleinement marseillais dès la première génération Sans perdre pour autant ses spécificités). Rarement on se hasardait dans le centre (on "descendait" en vil1e).
"La place de la Bourse n'était encore qu'un terrain vague sauvé de la désolation au printemps et en automne par les attractions grandioses de la fête foraine, manèges, glaces déformantes qui faisaient rêver les enfants,... tir à la carabine,... labyrinthe pour les plus grands... maison hantée... autos tamponneuses et Grand huit..." Les bombardiers yankees étaient passés par là et il se chuchotait qu'ils avaient fait plus de mal et tué plus de gens en quelques heures (au moins cinq mille sans compter les nombreux blessés) que les Allemands en quatre ans d'occupation. Juste pour tromper l'occupant sur le lieu du vrai débarquement! Sous l'ombre omniprésente du père disparu ("Ton père, il avait sa croyance, il était poète') la famille tente (et réussira) une difficile intégration. "Marseille, apparemment ouverte et braillarde, mais avec tant de signes de clôture et de silence, de méfiance envers l'extérieur, de repli sur soi, sur sa famille, porte fermée derrière soi. Faussement accueillante, moins avenante que prudente." Tirade parfaitement juste qui saisit la ville en sa contradiction fondamentale, et dont la perfection d'écriture m'incite à parler du style de l'auteur. Dans les allitérations, la jonglerie avec les mots, on sent souvent, sans nulle pesanteur, l'héritier du Siglo de Oro, et l'on se souvient alors que Benito Pelegrín est un éminent spécialiste du Baroque, opérant naguère la résurrection du grand Baltasar Gracián. Il parvient à mêler tous les niveaux de langue, du plus populaire au plus savant, sans qu'il y ait jamais rupture. Dans la seconde partie de l'ouvrage, qui n'est pas ouvertement linguistique, il se paie le luxe de méditations sur la parole, sans dévier de sa trajectoire ni lasser le lecteur, reconnaissant sa dignité et son humour au parler populaire, mais amoureux fou d'une langue qui symbolise son intégration. Il y a un morceau sur l'accent de Saint-Giniez qui réjouira tous les vieux Marseillais.
Je laisse au lecteur la joie nostalgique de découvrir les étonnantes scènes du mariage (un roman dans le roman), ou des pittoresques soirées à l'Opéra, les portraits ciselés des protagonistes habituels ou de tel maufatan local, les subtilités d'une langue populaire (prise seulement deux ou trois fois en défaut, peut-être simplement parce que je suis du Camas et lui des environs de Saint-Louis,...), et je conseille vivement la lecture, pour rire et pleurer, du Marseille quart Nord d'un véritable Marseillais.

JACQUES LOVICHI



Jacques Lovichi, LA MARSEILLAISE

ToutMa craque pour

MARSEILLE QUART NORD

Le nouveau livre de Benito Pelegrín, Marseille quart Nord, est sorti en librairie le 17 mars. Reconnu pour ses essais historiques, spécialiste d l'Europe baroque, Benito Pelegrín livre ici un recueil personnel : le portrait de Marseille dans les années 50 où il se réfugie enfant, fuyant avec sa famille l'Espagne franquiste. Composé de chroniques, Marseille quart Nord retrace l’histoire à la fois économique, sociale et humaine des quartiers nord dans le Marseille d’après-guerre. L’auteur dépeint la vie de ces quartiers et de leurs habitants avec beaucoup de précision et d’humour et sans nostalgie aucune. Au-delà de ses propres souvenirs, Benito Pelegrín décrit l'évolution d'une ville en pleine ébullition politique et lui reconnaît l'influence qu'elle eut sur de nombreux conflits sociaux tels que la naissance des premiers squats. Il en ressort le portrait de quartiers populaires où l'intégration passait par l'implication dans les luttes sociales et les mouvements de solidarité. En ce début d’année difficile sur le plan socio-économique, la mise en perspective des luttes sociales d’hier avec celles d’aujourd’hui n’est pas dénuée d’intérêt. Avec pertinence et distance, l’universitaire Benito Pelegrín donne la parole à l’homme qui parle de ses racines personnelles, culturelles et géographiques. Un témoignage vivant et lucide sur une ville et une époque.

TOUTMA Magazine people marseillais

ZIBELINE

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LITTÉRATURE
Chronique marseillaise
1950 : Marseille n'a pas encore cicatrisé les dégâts de la guerre. Benito Pelegrín, sa mère et ses deux sœurs s'installent à Saint-Louis aux côtés d'autres immigrés: Italiens, Russes blancs, Arméniens, Espagnols. Il laisse à Barcelone le souvenir de son père, un anarchiste décédé à 31 ans. C'est à Marseille, « Porte de l'Orient, qu'il devient quelqu'un Et pas n'importe qui! Professeur émérite des universités, écrivain, traducteur, dramaturge, poète et musicologue, il est occasionnellement journaliste pour Le Ravi.
De ses chroniques, il a fait «une modeste fresque émue et amusée » d'un Marseille oublié où l'humour le dispute à la tendresse. Son Marseille quart Nord regorge de détails topographiques, de souvenirs d'une incroyable précision (les marques publicitaires, le prix des choses), de personnages fictifs, réels et historiques pas piqués des vers!
Pour se repérer dans ce témoignage au verbe haut et aux formules fleuries. il suffit de se laisser couler dans le flot de l'action, les dialogues vifs et imaginer le reste: les odeurs, les couleurs, les bruits. . . Tout y est: les familles, les engagements politiques (car le recueil est aussi un témoignage historique de premier plan sur l'Europe d'après-guerre), les langues malaxées, les petits métiers. Benito Pelegrín donne à son récit de vies croisées une chaleur humaine qui semble endémique. Chaque tableau est cruel et drôle, comme la scène des noces sanglantes qui vaut son pesant d'or. Structuré autour des lieux, des noms, des gens et des idées,
Marseille quart Nord aurait fait un merveilleux scénario pour Fellini, et le Catalan espagnol devenu Marseillais d'adoption, un héros magnifique.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

L’HUMANITÉ
le 5 juin 2009
CULTURE
Marseille, terre d’accueil
Souvenirs. Avec cette chronique d’une enfance d’immigré à l’aube des années cinquante, Benito Pelegrín évoque sans nostalgie cette ville cosmopolite.
Marseille quart Nord. Chronique marseillaise,
de Benito Pelegrín.
Éditions Sulliver, 19 euros.

Benito Pelegrín, aujourd’hui professeur émérite à l’université de Provence, grand connaisseur du baroque, se coiffe avec élégance et talent de plusieurs casquettes : écrivain, dramaturge, traducteur avisé de Baltasar Gracián, journaliste et critique musical, il est depuis des décennies sur tous les fronts de la culture autour de Marseille, qu’il connaît bien. Il y arriva au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, fuyant tout enfant, aux côtés de sa mère et de ses sœurs - son père anarchiste catalan ayant rendu l’âme -, l’Espagne franquiste. C’est cette vie rude, l’accueil qui lui fut réservé, à lui et à sa famille, la façon dont ils s’efforcèrent de s’intégrer à un milieu assez ingrat, disons-le, qu’il décrit dans ce livre de souvenirs, dans ces quartiers Nord de Marseille qui ne sont aujourd’hui ni tout à fait les mêmes ni tout à fait autres. Nulle nostalgie ici, mais une grande lucidité qui n’exclut pas une immense empathie doublée d’un immense sens de l’humour, avec le petit monde pauvre économiquement mais riche humainement dans lequel le petit Benito grandit.
Il reprend ici des chroniques publiées naguère auxquelles il a conféré un certain ordre qui permet de visiter
un univers passionnant, où se mêlent les originaires du cru et les immigrés, Italiens, Espagnols et Arméniens surtout, mais aussi, venant de ce qu’on appelait encore les « colonies », nombre d’Africains tant maghrébins que subsahariens. Brassage extraordinaire, au bord de la misère souvent contre laquelle on luttait avec fierté, combat que la mère de Benito incarne avec force. Et par petites touches impressionnistes, mais avec un pinceau vigoureux, Benito Pelegrín brosse dans un premier temps un tableau tout à la fois savoureux et amer de ces quartiers Nord de Marseille ravagés par la guerre : Saint-Louis, la cité ouvrière bâtie en 1926, ses petits commerces et ses petits métiers, la rentrée des classes, les sorties, les fêtes… Et aussi l’église et ses prêtres ouvriers, les projections de petits films narrant les aventures de Tintin tandis que la maison du peuple, coiffée par le PCF, propose nombre de films soviétiques. Rivalité qui se retrouve à Noël : d’un côté la crèche et la messe de minuit et le repas familial, de l’autre les communistes offrant séances de cinéma, bals et soirées Loto…
Pages pleines de vie que celles consacrées aux noms et aux mots, la déformation que leur font subir ces populations récemment arrivées. Cela vaut quelques paragraphes joyeux concernant par exemple les variations culinaires : ainsi le développement savant sur « les tripes à la mode de Caïn » ou la salade « tricolore », évidemment vert (salade), blanc (mozzarella), rouge (tomate) pour madame Contarelli, originaire de la Péninsule voisine.
On retrouve là l’écrivain, l’homme de lettres et l’universitaire qui dévore la langue française et ses singularités à pleine bouche. Occasion d’évoquer cette France de l’intégration par l’école notamment, désir partagé alors par les autorités et par les immigrés loin de tout communautarisme. Et l’auteur de souligner qu’il doit tout, de ce point de vue, à l’école de la République qui fit de lui, non sans quelques difficultés parfois, l’homme et l’universitaire qu’il est devenu.
On lira avec bonheur, enfin, les pages consacrées aux accents et aux gens qui en usent, une multitude de portraits hauts en couleur parmi lesquels ressortent quelques figures singulières - telle tante Vonne, communiste, et sa vente militante devant l’église -, sans sacrifier à un monde pagnolesque, c’eût été trop facile, et faux. Et aussi les grèves à Marseille et la guerre d’Indochine, le racisme ordinaire qui ne dit pas son nom - le FN n’existe pas - qu’exprime le coiffeur à l’égard des Noirs et des « Arabes ». Grand morceau de bravoure enfin sur ce « paradis infernal » où se retrouvent les amateurs de théâtre lyrique désargentés, à l’Opéra, rude passage pour les interprètes guettés par des mélomanes intransigeants.
Cette « chronique marseillaise » se lit comme un roman, mais c’est surtout un témoignage souvent poignant sur la vie de cette ville foisonnante, cosmopolite, dure aux nouveaux venus mais qui savait à la longue, alors, les assimiler : il y a de cela cinquante ans…
Philippe Gut



MARSEILLE

LA REVUE CULTURELLE DE LA VILLE DE MARSEILLE
N° 225, juin 2009, p. 126

NE RIEN OUBLIER !

Jeune fils d'un anarchiste espagnol catalan mort sous Franco, réfugié en France dans les années 50 avec sa mère et ses sœurs, Benito Pelegrín, au terme d'un parcours exemplaire qui lui a permis de conquérir une place enviée dans le monde des lettres françaises, affronte tout à la fois la violence et la fierté de se souvenir d'une enfance difficile passée la tête haute dans les quartiers nord de Marseille dévastés par la guerre, à l'heure d'une industrialisation déjà vacillante, des squatters et des castors. Entre réalisme et pudeur, le témoignage sur l'état matériel et moral des banlieues populaires de Marseille est historique, avec leurs lieux, leurs gens, leurs idées, leurs scènes de la vie ordinaire.
La chance de Benito? Être tombé très tôt amoureux passionné de lecture et d'écriture et avoir pu ainsi franchir le pont culturel du déracinement à l'enracinement. S'approprier la langue de l'autre et la dominer, c'est devenir l'autre…, mais à condition de ne rien oublier pour autant de soi-même. Dès lors, l’auteur, utilisant les divers niveaux de langage qu'il a appris à maîtriser jusqu'aux extrêmes de la création littéraire et théâtrale, passant des larmes au rire, joue (pour ne pas dire jongle) avec les noms, les mots, les dérapages linguistiques savoureux, les situations saisies sur le vif ; maniant la pirouette de l'humour pour éviter les débordements émotionnels d'une sensibilité à fleur de peau. Et de conclure:
« C'est que tu es devenu quelqu'un…
- Non, je ne suis devenu que moi...»

Pierre Echinard


REGARDS, Été 2009, page 48

RÉCIT
UNE ÉDUCATION MARSEILLAISE

Benito Pelegrín, universitaire. dramaturge, poète, a tenu ces dernières années une chronique dans Le Ravi, mensuel provençal satirique. Des textes évoquant le Marseille d'après-guerre qui, augmentés de quelques autres, paraissent rassemblés dans un ouvrage. Echappant à l'écueil du mauvais sirop nostalgique, ce récit est une évocation attendrie et drôle d'une époque où curés et communistes participaient encore significativement de la structuration du paysage social. Fils d'un anarchiste catalan espagnol tué à la guerre, Benito Pelegrín a grandi, aux côtés de ses sœurs et sous l’œil d'une mère attentive, dans le quart Nord populaire de la grande cité portuaire. Ce sont les années 1950, il fait froid, il fait pauvre, mais le petit exilé découvre avec gourmandise cette ville peuplée d'Italiens, d'Arméniens, de Grecs, de coiffeurs racistes et de filles coquines. Accents d'ailleurs, quiproquos, noms rigolos, le populo de ces quartiers aux noms de saints réinvente sans cesse la vie et la langue à sa convenance. Assoiffé de savoir, le petit Espagnol écoute tout, prend tout et entendra même, un peu inquiet, dans l'hymne de son nouveau pays « mugir Séféraud, ce soldat »…
EMMANUEL RIONDÉ


ACCENTS
Des Bouches-du-Rhône,
juillet-août 2009,
Page 32


MARSEILLE QUART NORD LIVRES
Benito Pelegrín

Immigré espagnol, Benito Pelegrín, professeur émérite des universités, écrivain, dramaturge, musicologue et journaliste, avait débarqué enfant, en 1950, dans les quartiers nord de Marseille. Il garde de ce tournant de sa vie et de l’exode d’Espagne l’image de sa maman et de ses sœurs fuyant la guerre : « une femme en noir avec trois enfants, chacun une valise à la main proportionnelle à sa taille. Sans domicile et sans papiers. » Sur les bancs de l’école, le brillant petit Espagnol s’illustre vite pour son amour de la langue française et de la littérature. Il rassemble aujourd’hui ses souvenirs dans des chroniques marseillaises qui lui semblent « d’une autre vie. » Mais en écrivant Marseille quart Nord, cette jeunesse de réfugié qu’il a voulu oublier se rappelle à lui : des lieux entre Joliette, Arenc et le Merlan ou encore le château Tornésy des Huileries Antonin Roux, des ambiances telles les savoureuses bagarres de partisans lors des bals populaires, des figures historiques, l’abbé Gentile, ou inventées pour le symbole comme Monsieur Virgile Chauvinot et Tatie Vonne. Cette chronique est finalement « devenue aussi roman et théâtre : Marseille en somme. »
« Et pourtant, écrit-il, aujourd’hui on sait […] Les sociétés savent qu’elles ont des crises et les économies, des maladies graves. Plutôt que d’en exécrer ou d’en exorciser l’image, veillons dans la prospérité à voir dans l’immigré d’aujourd’hui celui qu’on peut devenir demain. »

.


INTERNET

Lundi 23 mars 2009
Bric-à-br'Anne
LECTURE


Marseille quart Nord


[…] C'est un récit, plein d'humour, plein d'empathie pour des gens oubliant la misère avec une fierté et une exubérance joyeuse.
 J'ai pris plaisir à le lire, mais certainement pas autant que ceux qui habiteraient ou aimeraient "d'amour" Marseille.

Marseille quart Nord- Chronique marseillaise
« Coup de cœur »
L'enfance d'un jeune exilé espagnol dans les quartiers nord de Marseille pendant les années 50. C'est drôle, émouvant, nostalgique, attachant... mais également engagé, bref une réussite
Lionel Daubigney, AUX VENTS DES MOTS.

Rencontre & projection
Dans le cadre de « Marseille quartiers, Marseille diversité »
[Une programmation de l'association Zingha] « Marseille Quart Nord ».
Rencontre avec Benito Pelegrín [professeur émérite de l'Université de Provence, écrivain, dramaturge, traducteur, critique musical & journaliste]
jeudi 26 mars à 17 h 30

« Ce spécialiste de théâtre et de musique, nous donne à méditer le sens de la vie. Il se dégage de ce « fils d’anarchiste mort en Espagne» (p. 61), une riche intériorité, une simplicité. […]
L’ouvrage de Benito Pelegrín, nous ouvre à son « je » et au monde. En nous donnant en partage l’histoire d’un temps de vie, il nous convie au cœur d’une sensibilité où l’autre prend une place importante. […]
Benito Pelegrín nous dit également son grand amour du mot, de la langue. […]
Bien que sa chronique marseillaise évoque une période personnelle douloureuse et dresse un portrait social et politique, sans complaisance, elle parvient à raviver le sourire frais de l’enfance, c’est en cela une réussite. Il s’en dégage une grande humanité, nulle descente dans le gouffre mortifère de la sombre mélancolie. Au contraire, nous nous laissons porter par le regard éclairé d’un homme qui a pu grandir sans que l’enfant soit tué.

Marseille quart Nord, une grande comédie humaine
Benito Pelegrín retrace, la vie « de ces Marseillais du peuple, d’origine ou immigrés » (p. 12), telle que « la brume sélective de ses souvenirs » en a conservé la mémoire. Il décrit dans son livre des lieux, des atmosphères, restitue la manière de vivre et la moralité d’une époque. Que serait l’ouvrage sans sa belle galerie de portraits ? […] extraordinaires personnages, au « verbe haut en couleur » donnant vie à l’œuvre.
On rit du pittoresque des expressions.
Au fil des récits, les trajectoires des familles, des individus, s’entrecroisent. Nous pénétrons leurs univers, leur quotidien. Nous sommes plongés dans des moments de vies nourris de passions, d’engagements, de tensions sociales, d’idéologies.
La façon pittoresque d’exprimer leurs sentiments permet la prise de distance avec l’émotionnel. L’humour, ici, semble représenter un rempart, transforme une période pourtant difficile en éclat de vie.

Marseille quart Nord, le reflet social du déclin d’une puissance industrielle
Ces quelques lignes et celles qui suivent donnent à repenser Marseille, son histoire, ses représentations du monde extérieur, ses difficultés à devenir une grande métropole.
Ces quelques lignes posent la question de l’évolution de notre ville. […]. Mais, faut-il, encore, être en mesure de percevoir, si l’on évoque la chance à l’orée de 2013, la force intérieure capitalisée par la présence de ses enfants aux origines diverses, fortement attachés à leur ville.
La lecture de l’ouvrage de Benito Pelegrín, dans un moment social et culturel capital pour notre ville, interpelle nos consciences d’acteurs, de citoyens. En nous ouvrant les portes de sa mémoire, il nous conduit à entrevoir ce qui permet à une société de maintenir une part d’humanité, malgré les fractures sociales qui lui sont inhérentes : la solidarité.

Marseille quart Nord, volontés et stratégies d’intégration
La chronique de Benito Pelegrín souligne l’importance pour les immigrés de s’ancrer dans la société d’accueil, de s’y faire accepter, de même que les effets psychologiques du déracinement. […]

Thérèse Basse





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