jeudi, février 25, 2010

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Adaptation française en vers, introduction et notes de Benito Pelegrin.Livre neuf.
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lundi, avril 06, 2009

MARSEILLE QUART NORD, chronique marseillaise. Ed. Sulliver, 2009, 288 p.


Marseille, quart Nord
Benito Pelegrín

Paru le 17/03/2009 - format 14x21 - 288 pages - 19 euros


Présentation de l'éditeur:
Au faîte d’un parcours d’universitaire et d’auteur réputé, Benito Pelegrín nous livre une chronique sur les quartiers nord du Marseille de son enfance de jeune exilé espagnol, à Saint-Louis, creuset profond des immigrations marseillaises. Sur fond de crise du logement (le mouvement des squatters naquit ici), c’est, avec un regard d’aujourd’hui, l’évocation d’un Marseille ouvrier des années 50, ses problèmes, ses fêtes, sa mentalité, ses conflits sociaux, ses solidarités, mais encore sa puissance industrielle.Par petites touches, entre mélancolie et surtout humour, se dévoilent la fresque d’une époque et les frasques de toute une galerie de personnages vivants et pittoresques avec leurs façons de parler, de penser, une comédie humaine à l’échelle d’un quartier, d’un squat, et la chronique se fait roman et théâtre : Marseille, en somme.


Extraits :
1)

Marseille, entre Joliette, Arenc et le Merlan : débuts des quartiers nord... Squelettes de bâtiments, docks déserts, usines délabrées, vieux silos en ciment désertés de grains perdus, anciennes minoteries autrefois regorgeant de farine, de riz ; huileries, savonneries, raffineries de sucre qui gardent encore, au souvenir, le tenace parfum, l'odeur rance, le relent du coprah, de l'arachide, du colza ou de la canne à sucre. Qui conservent des noms effacés des façades fantômes : Pâtes Scaramelli, Biscuits Coste, Huileries Roux, Sucre Saint-Louis, Savon le Chat, Savon l’Abeille, Javel Lacroix, Messageries maritimes, Réparations navales Terrin... Hangars comme des bateaux à l’envers, quille à l’air, échoués sur des môles désertés de navires fantômes, entrepôts désaffectés, friches industrielles, vestiges, encore présents, d'une grandeur déchue. Il n'en reste souvent que des toits défoncés, des pans de murs debout et des fenêtres vides, des ouvertures hagardes ou, suprême dérision, sur la muraille aveugle de moellons grisâtres en blocs dépareillés, l’éclat insolite d'une fraîche faïence colorée qui proclame encore : Franco-indochinoise du riz. Plus que vrai et pauvre métissage culturel, sans doute réelle et prospère société mixte d’un colonialisme économique tranquille et fier de lui. Marseille, autrefois Porte de l’Orient… Marseille d’aujourd’hui ou de juste hier malgré des signes de renouveau actuels, qu’on espère renaissance avec 2013, millésime de la chance.Je ne peux effacer les premières images de tout jeune immigré d’une Espagne franquiste, années 50. Ma mère, mes deux sœurs la grande et la petite, et moi, chacun une valise proportionnée à sa taille à la main, nous tenant de l’autre. Nous laissions derrière, pour longtemps, Barcelone, le passage clandestin par Andorre et l’étape forcée à Rivesaltes. Enfin, Marseille : des ruines encore de la guerre mais pansées presque irréellement sous un ciel effrontément bleu, qu’aujourd’hui je dirais minéral, lavande, mais étrange : un ciel tout neuf sur une ville vieille et ruinée.

2)
CONTE DE NOËL

Malgré la sombre suspicion que lui inspirait l’Église [souvenir de l’Espagne] avec mes sœurs, [ma mère] me traînait à l’église pour les grandes fêtes religieuses et, malgré mes protestations, elle avait consenti à voir ses enfants figurer dans la crèche vivante :
- Qui sait, ça nous portera peut-être bonheur…
Par logique onomastique, ma petite sœur Angelita faisait un ange, l’aînée, Magdalena, la Madeleine, tandis que moi, à cause de mes boucles dorées, mortifié, mort de honte, j’avais déjà été l’Enfant Jésus charpentier et, grandi, avais accepté comme un moindre mal d’être le Ravi.
Dans la crypte, nous attendions l’heure : Madeleine, pouffant de rire, tentait de faire tenir droit l’aile d’ange en papier de ma petite sœur en larmes, récalcitrante malgré le fil de fer ; Saint Joseph s’arrachait les cheveux de ne pouvoir coller sa barbe; la Vierge Marie essayait des poses pieuses, mastiquant son chewing-gum, remettant du rouge à lèvres, du rimmel à ses yeux, montre-bracelet au bras et talons aiguilles sous la robe, déjà prête pour le réveillon profane après la messe ; moi, dans mon coin, je faisais de la résistance, transformant, par une casuistique réserve mentale, les bras levés d’allégresse alleluïesque que me demandait le curé, en V churchillien de la Victoire quand déboula une sainte famille, le père, le fils et sinon le Saint Esprit, Madame et Belle–maman, lui, costume trois pièces, cravaté jusqu’aux yeux, Kodak en bandoulière, collier de perles, gants, chapeau et sac à main pour les dames, avec un adorable bambin blond. Le curé s’écria :
- Ah, voilà mon petit Jésus qui arrive enfin !
- Dis bonjour à Monsieur le curé…
- Pas bonjoul au culé
Et l’angelot opposa un mutisme farouche de ciel qui se ferme aux prières de la famille et aux risettes du curé. L’homme de Dieu finit par prendre le petit dans ses bras, le jaugeant tendrement du regard :
- Alors, qu’est-ce qu’on dit à Monsieur le curé ?
Les présents, oreilles dilatées et sourire d’extase suspendu en silence aux lèvres du chérubin, entendirent résonner la petite voix dans la vaste crypte :
- Melde, pédé.

PREMIERS ÉCHOS

Quatre heures d’émissions radio en un mois :

France-Culture
: Francesca Isidori : « Les affinités électives… de Benito Pelegrín » : "Votre livre est très beau, très fort et très émouvant" ; "c'est une parole d'une humanité rare".

« Quel bonheur et que d'émotions à lire Marseille, quart Nord. […] On est très ému, et en même temps on rit beaucoup, grâce aux dialogues. »
François Noudelmann, France-Culture

France-Culture, L'Esprit public, 3/05/2009, émission de Philippe Meyer avec Max Gallo, historien et romancier, Jean-Louis Bourlanges. Professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, Philippe Labarde, journaliste, Yves Michaud , philosophe et directeur de l'Université de tous les savoirs.
Yves Michaud: Marseille quart Nord [livre] "du même genre [goûteux que Codicille de Genette] mais non pas savant, plein de subtilité, d'humour, de sensibilité […] C'est absolument merveilleux. [Il y a ] l'humour, la solidarité, l'amusement [tel le chapitre sur les Marseillais à l'Opéra : citation et rire des assistants]. […] un livre absolument délicieux, plein de beauté et d'humanité, à lire. [Un rappel] sur le Baroque, d'Un Temps d'incertitude, à lire, vraiment, à lire."


Radio Libertaire, 13 mars 2009 (19h/21H)

[…] livre, Marseille quart Nord, dont on peut dire tout de suite qu’il est extrêmement attachant, savoureux, se lit très facilement, très agréablement. Il y a des tas d'anecdotes [pittoresques], "des scènes hautes en couleur", une vraie gourmandise des mots, la marque d'un écrivain". "Je l recommande vivement."
Bernard Graber (UNION RATIONALISTE)


RADIO BLEU PROVENCE : le 5 avril 2009.


RADIO GALÈRE, 15 avril 2009, 11-12 h.:

"Ce livre m'a enchantée", "un beau livre", un petit-chef-d'œuvre d'humour", "j'espère que vous serez nombreux à le lire."
Christine Hollard

TÉLÉVISION :
FR3, 28 AVRIL 2009, le 19/20 : reportage sur les lieux de Marseille quart Nord avec l'auteur.
Radio Grenouille, Thérèse Basse et Christian-Marie Moschetti, le 25.05.09 :

« Marseille quart nord est une belle comédie humaine […] dans un style vivant, avec beaucoup d'humour et peu de désespoir. »
« C'est une chronique proche de l'essai qui soulève des problématiques sociales.»
« La langue française, chez vous Benito Pelegrin, est un butin d'amour ! »

« Un livre majeur pour ceux qui s’intéressent à Marseille. Une belle comédie humaine. »

France Culture, A plus d’un titre, Jacques Munier, le 26.05.09 :
« Marseille quart nord est un récit, une belle histoire, d'intégration à la française […] mais aussi une histoire d'exil et de deuil où l'humour et l'autodérision ne sont jamais loin. C'est un ouvrage touchant, très émouvant. »


Radio France Bleu Provence,
Chronique de Médéric Gasquet-Cyrus :
« Dites-le en marseillais » 1 juillet 2009, 7h25 et 17h15

Dans un récit très riche (Marseille quart Nord – Chronique marseillaise, éditions Sulliver), Benito Pelegrín nous plonge dans les quartiers populaires de Marseille dans les années 1950, le tout avec un travail très intéressant sur les prononciations locales et même des réflexions métalinguistiques sur les parlures marseillaises.

« Une lecture d’été mais certainement bien davantage encore, car le livre dont je vais vous parler n’a rien d’une petite historiette méridionale fleurant bon le pastis et la farigoulette, non. Marseille quart Nord de Benito Pelegrín est un volumineux récit qui retrace la vie d’un jeune exilé espagnol dans les années 50 dans les quartiers nord de Marseille.

Cette Chronique marseillaise ne manquera pas d’intéresser tous ceux qui veulent se plonger ou replonger au cœur d’une Marseille populaire au-delà des clichés et des images trop lisses.
Mais ce récit est remarquable aussi par l’intérêt que Benito Pelegrín porte à la langue et retrace notamment à la transcription des dialogues et de la prononciation […]
L’auteur signale ainsi des façons de parler authentiques […]
En fait, c’est tout le livre qui est traversé par une réflexion qu’on pourrait appeler métalinguistique. […]
Je continue de travailler sur ce livre mais vous pouvez dès maintenant aller vous plonger dans Marseille Quart Nord de Benito Pelegrín aux Éditions Sulliver »





PRESSE ÉCRITE

« récit à la fois autobiographique, et romancé avec beaucoup d’humour, du Marseille ouvrier des années 1950. Souvenez-vous : les aventures de Tatie Vonne, la tonitruante militante communiste, celles de Madame Jolival, la plantureuse ex-nonne… Benito Pelegrín, avant d'être honoré par les universités et le fleuron de la presse régionale indépendante, a connu dans sa jeunesse la dureté de l’exil,fuyant avec sa mère et ses deux sœurs, l’Espagne franquiste. Sans ostentation, le travail de mémoire qu’il réalise ici décrit une époque en plus de profondeur que bien de savantes thèses historiques. À lire ou à relire. »

Michel Gairaud, LE RAVI




La chronique de Jacques Lovichi
Dimanche 5 avril 2009


Pèlerinage aux sources de l'exil

Pourquoi le cacher, voilà plus de cinquante ans que Benito Pelegrín (avec un accent aigu sur le i, siouplaît!) est un ami. Nous en savons sans doute plus l'un sur l'autre que la plupart des gens qui nous connaissent. Je croyais tout savoir de lui, ou presque. Je me trompais. Voilà qu'il nous donne un récit (ainsi le livre est-il nommé en couverture) sur son enfance marseillaise de jeune exilé espagnol; avec une exubérance inattendue, une jovialité émue, un humour attendri, si enfouis en lui que, jusqu'ici, ne pouvaient les connaître que ses proches immédiats. On sait ma répulsion pour ce qu'il est convenu d'appeler l'auto-fiction; il s'agit ici (c'est très rare) d'une exceptionnelle réussite. Dès l'avant-propos, nous voilà prévenus: "Sauf les personnes historiques citées, mes maîtres et deux camarades, tous les autres personnages sont inventés pour symboliser, rappeler, de façon plaisante, des idéologies, des sentiments, des manières d'être et de penser d'une époque où monde des hommes et des femmes étaient encore très séparés. "
Réparti en quatre unités (Des lieux; Des noms; Des gens; Des idées), le livre s'attache d'abord à montrer la vie spécifique d'un quartier situé entre Joliette, Arenc et Le Merlan, début de ces quartiers nord qui de nos jours défrayent parfois la chronique marseillaise. C’est 1a partie que je préfère. Pelegrín, sans jamais y tomber dans un populisme outrancier, conte les vies minuscules de ces petites gens, ni meilleures ni pires que d'autres, avec cet immense avantage d'être à la fois dedans et dehors, puisque, issu d'une famille d'anarchistes espagnols (donc: venu d'ailleurs), il a su s'intégrer sans jamais se confondre avec une population certes autochtone mais également étrangère -Juifs, Arméniens, Corses, Andalous, Catalans, Italiens, que sut toujours accueillir une cité composite dans laquelle on était pleinement marseillais dès la première génération Sans perdre pour autant ses spécificités). Rarement on se hasardait dans le centre (on "descendait" en vil1e).
"La place de la Bourse n'était encore qu'un terrain vague sauvé de la désolation au printemps et en automne par les attractions grandioses de la fête foraine, manèges, glaces déformantes qui faisaient rêver les enfants,... tir à la carabine,... labyrinthe pour les plus grands... maison hantée... autos tamponneuses et Grand huit..." Les bombardiers yankees étaient passés par là et il se chuchotait qu'ils avaient fait plus de mal et tué plus de gens en quelques heures (au moins cinq mille sans compter les nombreux blessés) que les Allemands en quatre ans d'occupation. Juste pour tromper l'occupant sur le lieu du vrai débarquement! Sous l'ombre omniprésente du père disparu ("Ton père, il avait sa croyance, il était poète') la famille tente (et réussira) une difficile intégration. "Marseille, apparemment ouverte et braillarde, mais avec tant de signes de clôture et de silence, de méfiance envers l'extérieur, de repli sur soi, sur sa famille, porte fermée derrière soi. Faussement accueillante, moins avenante que prudente." Tirade parfaitement juste qui saisit la ville en sa contradiction fondamentale, et dont la perfection d'écriture m'incite à parler du style de l'auteur. Dans les allitérations, la jonglerie avec les mots, on sent souvent, sans nulle pesanteur, l'héritier du Siglo de Oro, et l'on se souvient alors que Benito Pelegrín est un éminent spécialiste du Baroque, opérant naguère la résurrection du grand Baltasar Gracián. Il parvient à mêler tous les niveaux de langue, du plus populaire au plus savant, sans qu'il y ait jamais rupture. Dans la seconde partie de l'ouvrage, qui n'est pas ouvertement linguistique, il se paie le luxe de méditations sur la parole, sans dévier de sa trajectoire ni lasser le lecteur, reconnaissant sa dignité et son humour au parler populaire, mais amoureux fou d'une langue qui symbolise son intégration. Il y a un morceau sur l'accent de Saint-Giniez qui réjouira tous les vieux Marseillais.
Je laisse au lecteur la joie nostalgique de découvrir les étonnantes scènes du mariage (un roman dans le roman), ou des pittoresques soirées à l'Opéra, les portraits ciselés des protagonistes habituels ou de tel maufatan local, les subtilités d'une langue populaire (prise seulement deux ou trois fois en défaut, peut-être simplement parce que je suis du Camas et lui des environs de Saint-Louis,...), et je conseille vivement la lecture, pour rire et pleurer, du Marseille quart Nord d'un véritable Marseillais.

JACQUES LOVICHI



Jacques Lovichi, LA MARSEILLAISE

ToutMa craque pour

MARSEILLE QUART NORD

Le nouveau livre de Benito Pelegrín, Marseille quart Nord, est sorti en librairie le 17 mars. Reconnu pour ses essais historiques, spécialiste d l'Europe baroque, Benito Pelegrín livre ici un recueil personnel : le portrait de Marseille dans les années 50 où il se réfugie enfant, fuyant avec sa famille l'Espagne franquiste. Composé de chroniques, Marseille quart Nord retrace l’histoire à la fois économique, sociale et humaine des quartiers nord dans le Marseille d’après-guerre. L’auteur dépeint la vie de ces quartiers et de leurs habitants avec beaucoup de précision et d’humour et sans nostalgie aucune. Au-delà de ses propres souvenirs, Benito Pelegrín décrit l'évolution d'une ville en pleine ébullition politique et lui reconnaît l'influence qu'elle eut sur de nombreux conflits sociaux tels que la naissance des premiers squats. Il en ressort le portrait de quartiers populaires où l'intégration passait par l'implication dans les luttes sociales et les mouvements de solidarité. En ce début d’année difficile sur le plan socio-économique, la mise en perspective des luttes sociales d’hier avec celles d’aujourd’hui n’est pas dénuée d’intérêt. Avec pertinence et distance, l’universitaire Benito Pelegrín donne la parole à l’homme qui parle de ses racines personnelles, culturelles et géographiques. Un témoignage vivant et lucide sur une ville et une époque.

TOUTMA Magazine people marseillais

ZIBELINE

54
LITTÉRATURE
Chronique marseillaise
1950 : Marseille n'a pas encore cicatrisé les dégâts de la guerre. Benito Pelegrín, sa mère et ses deux sœurs s'installent à Saint-Louis aux côtés d'autres immigrés: Italiens, Russes blancs, Arméniens, Espagnols. Il laisse à Barcelone le souvenir de son père, un anarchiste décédé à 31 ans. C'est à Marseille, « Porte de l'Orient, qu'il devient quelqu'un Et pas n'importe qui! Professeur émérite des universités, écrivain, traducteur, dramaturge, poète et musicologue, il est occasionnellement journaliste pour Le Ravi.
De ses chroniques, il a fait «une modeste fresque émue et amusée » d'un Marseille oublié où l'humour le dispute à la tendresse. Son Marseille quart Nord regorge de détails topographiques, de souvenirs d'une incroyable précision (les marques publicitaires, le prix des choses), de personnages fictifs, réels et historiques pas piqués des vers!
Pour se repérer dans ce témoignage au verbe haut et aux formules fleuries. il suffit de se laisser couler dans le flot de l'action, les dialogues vifs et imaginer le reste: les odeurs, les couleurs, les bruits. . . Tout y est: les familles, les engagements politiques (car le recueil est aussi un témoignage historique de premier plan sur l'Europe d'après-guerre), les langues malaxées, les petits métiers. Benito Pelegrín donne à son récit de vies croisées une chaleur humaine qui semble endémique. Chaque tableau est cruel et drôle, comme la scène des noces sanglantes qui vaut son pesant d'or. Structuré autour des lieux, des noms, des gens et des idées,
Marseille quart Nord aurait fait un merveilleux scénario pour Fellini, et le Catalan espagnol devenu Marseillais d'adoption, un héros magnifique.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

L’HUMANITÉ
le 5 juin 2009
CULTURE
Marseille, terre d’accueil
Souvenirs. Avec cette chronique d’une enfance d’immigré à l’aube des années cinquante, Benito Pelegrín évoque sans nostalgie cette ville cosmopolite.
Marseille quart Nord. Chronique marseillaise,
de Benito Pelegrín.
Éditions Sulliver, 19 euros.

Benito Pelegrín, aujourd’hui professeur émérite à l’université de Provence, grand connaisseur du baroque, se coiffe avec élégance et talent de plusieurs casquettes : écrivain, dramaturge, traducteur avisé de Baltasar Gracián, journaliste et critique musical, il est depuis des décennies sur tous les fronts de la culture autour de Marseille, qu’il connaît bien. Il y arriva au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, fuyant tout enfant, aux côtés de sa mère et de ses sœurs - son père anarchiste catalan ayant rendu l’âme -, l’Espagne franquiste. C’est cette vie rude, l’accueil qui lui fut réservé, à lui et à sa famille, la façon dont ils s’efforcèrent de s’intégrer à un milieu assez ingrat, disons-le, qu’il décrit dans ce livre de souvenirs, dans ces quartiers Nord de Marseille qui ne sont aujourd’hui ni tout à fait les mêmes ni tout à fait autres. Nulle nostalgie ici, mais une grande lucidité qui n’exclut pas une immense empathie doublée d’un immense sens de l’humour, avec le petit monde pauvre économiquement mais riche humainement dans lequel le petit Benito grandit.
Il reprend ici des chroniques publiées naguère auxquelles il a conféré un certain ordre qui permet de visiter
un univers passionnant, où se mêlent les originaires du cru et les immigrés, Italiens, Espagnols et Arméniens surtout, mais aussi, venant de ce qu’on appelait encore les « colonies », nombre d’Africains tant maghrébins que subsahariens. Brassage extraordinaire, au bord de la misère souvent contre laquelle on luttait avec fierté, combat que la mère de Benito incarne avec force. Et par petites touches impressionnistes, mais avec un pinceau vigoureux, Benito Pelegrín brosse dans un premier temps un tableau tout à la fois savoureux et amer de ces quartiers Nord de Marseille ravagés par la guerre : Saint-Louis, la cité ouvrière bâtie en 1926, ses petits commerces et ses petits métiers, la rentrée des classes, les sorties, les fêtes… Et aussi l’église et ses prêtres ouvriers, les projections de petits films narrant les aventures de Tintin tandis que la maison du peuple, coiffée par le PCF, propose nombre de films soviétiques. Rivalité qui se retrouve à Noël : d’un côté la crèche et la messe de minuit et le repas familial, de l’autre les communistes offrant séances de cinéma, bals et soirées Loto…
Pages pleines de vie que celles consacrées aux noms et aux mots, la déformation que leur font subir ces populations récemment arrivées. Cela vaut quelques paragraphes joyeux concernant par exemple les variations culinaires : ainsi le développement savant sur « les tripes à la mode de Caïn » ou la salade « tricolore », évidemment vert (salade), blanc (mozzarella), rouge (tomate) pour madame Contarelli, originaire de la Péninsule voisine.
On retrouve là l’écrivain, l’homme de lettres et l’universitaire qui dévore la langue française et ses singularités à pleine bouche. Occasion d’évoquer cette France de l’intégration par l’école notamment, désir partagé alors par les autorités et par les immigrés loin de tout communautarisme. Et l’auteur de souligner qu’il doit tout, de ce point de vue, à l’école de la République qui fit de lui, non sans quelques difficultés parfois, l’homme et l’universitaire qu’il est devenu.
On lira avec bonheur, enfin, les pages consacrées aux accents et aux gens qui en usent, une multitude de portraits hauts en couleur parmi lesquels ressortent quelques figures singulières - telle tante Vonne, communiste, et sa vente militante devant l’église -, sans sacrifier à un monde pagnolesque, c’eût été trop facile, et faux. Et aussi les grèves à Marseille et la guerre d’Indochine, le racisme ordinaire qui ne dit pas son nom - le FN n’existe pas - qu’exprime le coiffeur à l’égard des Noirs et des « Arabes ». Grand morceau de bravoure enfin sur ce « paradis infernal » où se retrouvent les amateurs de théâtre lyrique désargentés, à l’Opéra, rude passage pour les interprètes guettés par des mélomanes intransigeants.
Cette « chronique marseillaise » se lit comme un roman, mais c’est surtout un témoignage souvent poignant sur la vie de cette ville foisonnante, cosmopolite, dure aux nouveaux venus mais qui savait à la longue, alors, les assimiler : il y a de cela cinquante ans…
Philippe Gut



MARSEILLE

LA REVUE CULTURELLE DE LA VILLE DE MARSEILLE
N° 225, juin 2009, p. 126

NE RIEN OUBLIER !

Jeune fils d'un anarchiste espagnol catalan mort sous Franco, réfugié en France dans les années 50 avec sa mère et ses sœurs, Benito Pelegrín, au terme d'un parcours exemplaire qui lui a permis de conquérir une place enviée dans le monde des lettres françaises, affronte tout à la fois la violence et la fierté de se souvenir d'une enfance difficile passée la tête haute dans les quartiers nord de Marseille dévastés par la guerre, à l'heure d'une industrialisation déjà vacillante, des squatters et des castors. Entre réalisme et pudeur, le témoignage sur l'état matériel et moral des banlieues populaires de Marseille est historique, avec leurs lieux, leurs gens, leurs idées, leurs scènes de la vie ordinaire.
La chance de Benito? Être tombé très tôt amoureux passionné de lecture et d'écriture et avoir pu ainsi franchir le pont culturel du déracinement à l'enracinement. S'approprier la langue de l'autre et la dominer, c'est devenir l'autre…, mais à condition de ne rien oublier pour autant de soi-même. Dès lors, l’auteur, utilisant les divers niveaux de langage qu'il a appris à maîtriser jusqu'aux extrêmes de la création littéraire et théâtrale, passant des larmes au rire, joue (pour ne pas dire jongle) avec les noms, les mots, les dérapages linguistiques savoureux, les situations saisies sur le vif ; maniant la pirouette de l'humour pour éviter les débordements émotionnels d'une sensibilité à fleur de peau. Et de conclure:
« C'est que tu es devenu quelqu'un…
- Non, je ne suis devenu que moi...»

Pierre Echinard


REGARDS, Été 2009, page 48

RÉCIT
UNE ÉDUCATION MARSEILLAISE

Benito Pelegrín, universitaire. dramaturge, poète, a tenu ces dernières années une chronique dans Le Ravi, mensuel provençal satirique. Des textes évoquant le Marseille d'après-guerre qui, augmentés de quelques autres, paraissent rassemblés dans un ouvrage. Echappant à l'écueil du mauvais sirop nostalgique, ce récit est une évocation attendrie et drôle d'une époque où curés et communistes participaient encore significativement de la structuration du paysage social. Fils d'un anarchiste catalan espagnol tué à la guerre, Benito Pelegrín a grandi, aux côtés de ses sœurs et sous l’œil d'une mère attentive, dans le quart Nord populaire de la grande cité portuaire. Ce sont les années 1950, il fait froid, il fait pauvre, mais le petit exilé découvre avec gourmandise cette ville peuplée d'Italiens, d'Arméniens, de Grecs, de coiffeurs racistes et de filles coquines. Accents d'ailleurs, quiproquos, noms rigolos, le populo de ces quartiers aux noms de saints réinvente sans cesse la vie et la langue à sa convenance. Assoiffé de savoir, le petit Espagnol écoute tout, prend tout et entendra même, un peu inquiet, dans l'hymne de son nouveau pays « mugir Séféraud, ce soldat »…
EMMANUEL RIONDÉ


ACCENTS
Des Bouches-du-Rhône,
juillet-août 2009,
Page 32


MARSEILLE QUART NORD LIVRES
Benito Pelegrín

Immigré espagnol, Benito Pelegrín, professeur émérite des universités, écrivain, dramaturge, musicologue et journaliste, avait débarqué enfant, en 1950, dans les quartiers nord de Marseille. Il garde de ce tournant de sa vie et de l’exode d’Espagne l’image de sa maman et de ses sœurs fuyant la guerre : « une femme en noir avec trois enfants, chacun une valise à la main proportionnelle à sa taille. Sans domicile et sans papiers. » Sur les bancs de l’école, le brillant petit Espagnol s’illustre vite pour son amour de la langue française et de la littérature. Il rassemble aujourd’hui ses souvenirs dans des chroniques marseillaises qui lui semblent « d’une autre vie. » Mais en écrivant Marseille quart Nord, cette jeunesse de réfugié qu’il a voulu oublier se rappelle à lui : des lieux entre Joliette, Arenc et le Merlan ou encore le château Tornésy des Huileries Antonin Roux, des ambiances telles les savoureuses bagarres de partisans lors des bals populaires, des figures historiques, l’abbé Gentile, ou inventées pour le symbole comme Monsieur Virgile Chauvinot et Tatie Vonne. Cette chronique est finalement « devenue aussi roman et théâtre : Marseille en somme. »
« Et pourtant, écrit-il, aujourd’hui on sait […] Les sociétés savent qu’elles ont des crises et les économies, des maladies graves. Plutôt que d’en exécrer ou d’en exorciser l’image, veillons dans la prospérité à voir dans l’immigré d’aujourd’hui celui qu’on peut devenir demain. »

.


INTERNET

Lundi 23 mars 2009
Bric-à-br'Anne
LECTURE


Marseille quart Nord


[…] C'est un récit, plein d'humour, plein d'empathie pour des gens oubliant la misère avec une fierté et une exubérance joyeuse.
 J'ai pris plaisir à le lire, mais certainement pas autant que ceux qui habiteraient ou aimeraient "d'amour" Marseille.

Marseille quart Nord- Chronique marseillaise
« Coup de cœur »
L'enfance d'un jeune exilé espagnol dans les quartiers nord de Marseille pendant les années 50. C'est drôle, émouvant, nostalgique, attachant... mais également engagé, bref une réussite
Lionel Daubigney, AUX VENTS DES MOTS.

Rencontre & projection
Dans le cadre de « Marseille quartiers, Marseille diversité »
[Une programmation de l'association Zingha] « Marseille Quart Nord ».
Rencontre avec Benito Pelegrín [professeur émérite de l'Université de Provence, écrivain, dramaturge, traducteur, critique musical & journaliste]
jeudi 26 mars à 17 h 30

« Ce spécialiste de théâtre et de musique, nous donne à méditer le sens de la vie. Il se dégage de ce « fils d’anarchiste mort en Espagne» (p. 61), une riche intériorité, une simplicité. […]
L’ouvrage de Benito Pelegrín, nous ouvre à son « je » et au monde. En nous donnant en partage l’histoire d’un temps de vie, il nous convie au cœur d’une sensibilité où l’autre prend une place importante. […]
Benito Pelegrín nous dit également son grand amour du mot, de la langue. […]
Bien que sa chronique marseillaise évoque une période personnelle douloureuse et dresse un portrait social et politique, sans complaisance, elle parvient à raviver le sourire frais de l’enfance, c’est en cela une réussite. Il s’en dégage une grande humanité, nulle descente dans le gouffre mortifère de la sombre mélancolie. Au contraire, nous nous laissons porter par le regard éclairé d’un homme qui a pu grandir sans que l’enfant soit tué.

Marseille quart Nord, une grande comédie humaine
Benito Pelegrín retrace, la vie « de ces Marseillais du peuple, d’origine ou immigrés » (p. 12), telle que « la brume sélective de ses souvenirs » en a conservé la mémoire. Il décrit dans son livre des lieux, des atmosphères, restitue la manière de vivre et la moralité d’une époque. Que serait l’ouvrage sans sa belle galerie de portraits ? […] extraordinaires personnages, au « verbe haut en couleur » donnant vie à l’œuvre.
On rit du pittoresque des expressions.
Au fil des récits, les trajectoires des familles, des individus, s’entrecroisent. Nous pénétrons leurs univers, leur quotidien. Nous sommes plongés dans des moments de vies nourris de passions, d’engagements, de tensions sociales, d’idéologies.
La façon pittoresque d’exprimer leurs sentiments permet la prise de distance avec l’émotionnel. L’humour, ici, semble représenter un rempart, transforme une période pourtant difficile en éclat de vie.

Marseille quart Nord, le reflet social du déclin d’une puissance industrielle
Ces quelques lignes et celles qui suivent donnent à repenser Marseille, son histoire, ses représentations du monde extérieur, ses difficultés à devenir une grande métropole.
Ces quelques lignes posent la question de l’évolution de notre ville. […]. Mais, faut-il, encore, être en mesure de percevoir, si l’on évoque la chance à l’orée de 2013, la force intérieure capitalisée par la présence de ses enfants aux origines diverses, fortement attachés à leur ville.
La lecture de l’ouvrage de Benito Pelegrín, dans un moment social et culturel capital pour notre ville, interpelle nos consciences d’acteurs, de citoyens. En nous ouvrant les portes de sa mémoire, il nous conduit à entrevoir ce qui permet à une société de maintenir une part d’humanité, malgré les fractures sociales qui lui sont inhérentes : la solidarité.

Marseille quart Nord, volontés et stratégies d’intégration
La chronique de Benito Pelegrín souligne l’importance pour les immigrés de s’ancrer dans la société d’accueil, de s’y faire accepter, de même que les effets psychologiques du déracinement. […]

Thérèse Basse





jeudi, novembre 02, 2006

PLANÈTE FOOTBALL, de A. Canela et R. Chisleanschi, traduit par Benito Pelegrín, préface de J-P. Papin, éd. Parenthèses, 2006, 199 p.

«En regardant les photographies de Andoni Canela on se rend compte que ce jeu de ballon qu'ont inventé les Anglais, il y a un peu plus d'un siècle, s'est diffusé partout, exprimant l'iden­tité particulière de chacun des lieux où il s'inscrit, et qu'il est devenu ainsi un véritable art populaire planétaire. Un jeu bien réglé mais qui autorise l'imagination, une liberté de tous les instants et qui a le don de nous rendre tous égaux. Le football est vu ici comme un voyage, un dépaysement, mais toujours avec ces repères qui forgent les paysages : deux poteaux et une transversale - les cages, les "bois". Que disent d'autre ces photographies venues du monde entier, si ce n'est que ces enfants ont le football authentique en eux, même s'ils ne portent pas de maillots couverts de slogans publicitaires et que leurs chaussures ne sont pas rayées de bandes blanches... Ils ne connaissent sans doute pas les subtilités des systèmes de jeux et peu importe quand on essaye de manier la balle sur des pavés, un tapis de cailloux ou un champ inondé. L'important c'est de reproduire une gestuelle qu'on garde en mémoire, un jeu sans artifice, pour prouver que quel que soit le paysage ambiant - une grande ville, une plage, un désert - la seule présence des "cages", même bricolées ou symboliques, suffit à désigner le sport que l'on pratique. J'ai toujours pensé que pour bien jouer au football, il fallait que chaque action de jeu soit vécue comme la plus importante de sa vie. Mais sans jamais pour autant oublier qu'il y a bien d'autres priorités que le football dans le monde. À voir le plaisir qu'éprouvent tous ces enfants à jouer, je ne peux m'empêcher de penser à tous ceux à qui la vie n'a pas donné cette chance, qui souffrent parfois dans leur corps, mais dont le regard ou les sourires nous disent tant...»
Jean-Pierre Papin

Extrait du livre:
Les fidèles de la religion du foot ont, nous avons, une version personnelle de la Création du monde. Ils disent, nous disons, que ce n'est pas par hasard que les planètes sont sphériques. Dieu les modela de la sorte, ni carrées, ni triangulaires ni ovales car, bien avant de se transformer en un monsieur sérieux à barbe blanche, il avait découvert que rien ne satisfaisait plus son côté ludique et hérétiquement humain que de disputer un petit match amical avec les anges sur le terrain infini de l'Univers. Plus encore, héritiers des anciens astronomes qui expliquaient le cosmos à partir du géocentrisme, les susdits fidèles soutiennent, nous soutenons, qu'il existe une preuve irréfutable de la préférence du Grand Créateur pour notre petite planète : l'aplatissement de la Terre sur ses deux pôles ne serait rien d'autre que la trace de Son pied, théorie plausible si l'on considère que nous parlons du plus habile footballeur qui ait jamais existé jusqu'à la naissance de Di Stefano, Pelé, Cruyff et Maradona et, par conséquent, d'un pratiquant assidu de la «roulette», art le plus grand de ce jeu sans pareil, consistant à manier le ballon de la semelle du soulier ou de la plante du pied. Le seul inconvénient, comme on l'a dit, c'est que cela laisse l'instrument du jeu légèrement déformé, de la même façon que cela est arrivé à la Terre. Les fidèles de la religion du football jouissent, nous jouissons, d'une capacité particulière de nous reconnaître où que nous nous rencontrions. Sans avoir besoin de signes extérieurs ou de lettres de créance pour nous identifier, nous savons nous distinguer facilement.

mercredi, novembre 01, 2006

ALEJO CARPENTIER, ÉCRIRE, DÉCRIRE L'AMÉRIQUE, Paris, Ellipses, 2003, 205 p.

Présentation de l'éditeur
Le grand romancier cubain Alejo Carpentier (1904-1980), de son premier à son dernier livre, a posé un regard sur l'Amérique latine et en a imposé une vision désormais classique dans un style ample, luxuriant, à l'image d'un continent que seul le Baroque pouvait exprimer.
De New York à l'Amazonie, le héros musicien du" Partage des eaux", dans une recherche identitaire, remonte le temps et redescend en lui dans une quête qui devient conquête de sa liberté. Face aux illusions fanées d'une Europe meurtrie par la guerre, le Nouveau Monde encore vierge s'érige en horizon mythique possible d'un renouveau des rêves humanistes.
A travers musiques, rythmes, mythes déchiffrés, sur les pas retrouvés d'une écriture baroque défrichée, ce livre est une invitation au voyage en Carpentier, dans l'espace américain et son expression.

Extrait du livre

CUBA, LA HAVANE


ILE ENTRE LES ILES

Emeraude tombée dans la mer qui, depuis le centre intense de son vert, propagerait à l'infini ses molles ondes concentriques jusqu'aux plus subtils dégradés verdâtres finissant par se fondre et se confondre dans le bleu de l'eau, Cuba est entourée par la dentelle négligente des îles Bahamas, nonchalamment posées, avec des grâces de papillons éthérés, sur la mer des Antilles. Eau? Terre? Nuages? II est impossible, du haut de l'avion, de déterminer où finit la terre bleue et où commence l'onde verte, ce qui est nuage, et ce qui est matière. Iles immatérielles, vapeurs d'îles, évanescence d'îles sitôt vues qu'estompées, fins pétales nacrés qu'un souffle doux eût effeuillés mollement du cœur de la corolle cubaine pour lui faire une couronne ou un collier de rêve.


La perle bleue de la mer des Antilles

Cuba s'offre enfin à la vue, se dérobe aussitôt, douillettement emmitouflée dans le creux, dans l'écrin des nuages nacrés. Des souvenirs de vers de José Marti, de Guillén, des visions d'Alejo Carpentier, de Lezama -trop tard connus, trop tôt perdus-, des plaisanteries de l’ami Severo, affluent en désordre ; des échos lointains de nostalgiques habaneras, des images de Fidel, du Che, des interrogations d’aujourd’hui sur la Révolution d’hier au cœur de cette fleur... Cuba, espérée par l’esprit, rêvée par la culture, vécue tant de fois et sentie par la chaleur de la sympathie, ressentie par l’amitié avec tant d’artistes, de poètes, Cintio, Fina, Eliseo1... ; Cuba évoquée, fatalement, malgré tout, avec les yeux du cœur.


Vision de La Havane

La vapeur persistante d'un orage tropical baigne la ville dans une brume de rêve. Ne rêve-t-on pas d'ailleurs? Les ruses du décalage horaire nous font évoluer dans un autre univers, nébuleux.
La Havane est une ville intime et monumentale. Resserrée près du port défendu par deux fortins symétriques, raidis de menaces corsaires, la vieille ville se recueille autour de la place de la petite cathédrale, à la façade concave comme deux bras grand-ouverts accueillants. Alignement de demeures d'un baroque insolite de simplicité, presque austère, n'était-ce, sur le fronton pur de leurs nobles façades, le solfège diffus des folles vignes vierges et, aux portes, ces grilles arachnéennes qui roulent, enroulent et déroulent leurs entrelacs délicats d'harmonieuse végétation métallique. Voisin, voué à la promotion des jeunes artistes cubains, le Centro Cultural Alejo Carpentier, demeure coloniale au patio intérieur à galerie en bois peint, en bleu si frais : on y revoit les turbulents et rêveurs enfants, adolescents, jeunes gens rêvant d’un monde meilleur, du Siècle des Lumières.

Les vieux quartiers du port étagent leurs ruelles rectilignes qui semblent monter, doucement, vers le ciel. Souvent, on se croirait perdu dans quelque blanc village andalou, avec la perspective, raccourcie sur l'azur, de balcons saillants en bois tourné, de vérandas fermées de mystérieuses jalousies, et des oiseaux inscrits en solfège sur la portée des fils électriques. C’est bien La Ville aux colonnes dépeinte par cet architecte aussi que fut Alejo.
On déambule à l'ombre rêveuse d'arcades comme des paupières pudiquement baissées sous l'éclatant soleil des façades sous lesquelles donnent, fermés de grilles, d'obscurs corridors qui débouchent sur des jardins secrets que l'on devine en fond. Des grilles encore, des colonnades, des blasons parfois. Une Andalousie moins rigide, moins austère, qui aurait reçu l'inflexion alanguie du créole, la charmeuse nostalgie du mulâtre, la verdâtre patine, enfin, d'un air voluptueux ivre d'humidité. Sur les murs, les taches dégradées jouent la carte de la géographie et les fentes, le caprice des fleuves. Le plus humble mur gris semble se végétaliser par la grâce d'une atmosphère marine qui fait mêler parfois, aux rides du crépi, le paraphe des fleurs, aux efflorescences mousseuses des moisissures, la molle estompe des auréoles de rouille. La volonté de restauration de certains joyaux d’architecture est sensible mais semble parfois dramatiquement prise de vitesse par la décrépitude du temps, terrible, les cyclones, terrifiants, le manque de moyens, accablant.
On est arraché au charme colonial espagnol, nimbé de la mélancolie poignante des beautés menacées ou déjà ravagées, dès le Malecón, longue jetée-promenade qui borde la ville le long de la mer et offre en horizon brutal de géométrie, l'épure lointaine des gratte-ciels du Nuevo Vedado et, cahin-cahotant, de bric et de broc réparées avec une efficace et joyeuse ingéniosité carnavalesque, en cortège bruyant, brinquebalant, le défilé des voitures américaines des années 50 : le jazz à la sauce salsa.
Les quartiers plus intérieurs de Marianao, malgré les numéros et les lettres des rues perpendiculaires, plongent le visiteur dans une Rome antique, aux couleurs pastel, qui aurait conservé la grâce miraculeuse et les idéales proportions athéniennes : sur un ou deux étages, en longues perspectives nébuleuses, des maisons à colonnes ioniennes, corinthiennes, aux chapiteaux en triangle, avec des arcs, des arcades, des architraves et des entablements à frise, que l'on devine ou aperçoit à travers le nuage onirique d'une végétation de tamariniers et de palétuviers qui débordent en molles vagues sur la rue. Le règne néo-classique, néo-palladien, le rêve d’ordre venu d’ailleurs mais baroquisé par le climat farceur et la végétation facétieuse. Et les impitoyables outrages du temps et des temps.
Rues désertes aux heures chaudes du jour, silence minéral, géométrique, des tableaux de cités de Chirico ou des projets d'architectures de villes idéales de Piero della Francesca, lorsque ma compagne sort de l'ombre pour jauger un ensemble, se fige, et le bleu pur du ciel tombe sur ses épaules.

Benito Pelegrín


Critique in Autre Sud


Spécialiste du baroque et du néo-baroque contemporain (et le meilleur de Carpentier, écrit de lui Klaus Müller-Bergh dans la Revista iberoamericana), Benito Pelegrín publie cette étude sur le grand romancier cubain qu'ensemble nous avions rencontré, «au temps de nos études folles », dans le cadre des activités hispaniques de la faculté des lettres d'Aix-en-Provence.
L'extraordinaire richesse du livre ne nous permet pas d’en rendre compte en ces lignes comme nous le souhaiterions. «L'écrivain cubain au regard d'Européen» qu'est Carpentier (« Le père breton, la mère russe : issus d'un finistère à l'autre de l'Europe, de l'extrême est à l'extrême ouest, large parenthèse embrassant le tissu de cultures, diverses et une à la fois: architecte l'un, professeur de langues l'autre ») ne pouvait que séduire Pelegrín, par sa personnalité hors du commun et une œuvre qui, du premier au dernier livre, «a posé un regard sur l'Amérique latine et en a imposé une vision désormais classique dans un style ample, luxuriant, à l'image d'un continent que seul le baroque pouvait exprimer».

Ce faisant, Pelegrín trouve un prétexte à son infinie méditation sur le baroque, excédant en fin de compte -aussi capitale et exemplaire soit-elle par ailleurs - l'œuvre du grand Cubain pour rejoindre son incessant travail (dont je me hasarderai à dire que c'est le mouvement de toute une vie) sert de plus en plus près les thèmes largement abordés en cet ouvrage majeur qu'est Figurations de l'infini dont j'ai parlé ailleurs en son temps mais qui demeure d'une brûlante actualité.
Précédée d'une introduction très colorée sur La Havane et Carpentier lui-même, la matière de cette étude se distribue en trois parties, « Rythmes américains », «Décrire l'Amérique », « Écrire l'Amérique», dans lesquelles sont successivement abordés, au travers de l'œuvre, les thèmes récurrents chers à Pelegrín: temps et tempo, musique, libération du rythme; puis l'usage du mythe (spécialement à travers de celui d'Orphée, bien entendu) et ses variations fécondes ; enfin la caractérisation aiguë d'un style qui devient métaphore grandiose de tout un continent.
Ramassant pour finir les divers éléments de son étude en gerbe, Benito Pelegrín constate que la phrase type de Carpentier se distribue dans un ordre très différent de l'ordre habituel du français en cela notamment qu'elle reste parfaitement ouverte. Il souligne son dire en citant une phrase exemplaire que, pour sa splendeur, nous donnerons en conclusion:

Rauques, mugissantes, tenues en longue note tombée de la hune, presque lugubres, sonnent les trompes de la nef qui vogue lentement, dans un tel vol de brume que du château de poupe on n'en devine pas la proue.

Jacques Lovichi , "Chroniques et notes", AUTRE SUD, juin 2004




LA VIE EST UN SONGE, d'après P. Calderón de la Barca, adapté en vers et présenté par Benito Pelegrín, Autres Temps, 2000, 126 p.

La force de cette comédie baroque du XVIIe siècle espagnole tient dans une idée maîtresse : la vie est un songe, toute réalité n'est qu'illusion trompeuse. Les protagonistes de l'histoire vont en faire l'expérience. Basile, roi de Pologne, a fait enfermer son fils Sigismond. Les astres avaient prédit la mort de sa mère au moment où elle donnerait naissance à leur enfant Sigismond. Et les astres ne se sont pas trompés. La reine est morte. Le roi ne veut plus croire qu'à la seule puissance des astres souverains, il se réfugie dans l'occultisme. Endormi par un puissant narcotique, Sigismond devenu jeune homme va lutter, se réveiller et prendre conscience de lui-même. Mais alors, que croire ? La réalité est-elle une fiction ou la fiction du sommeil est-elle la réalité ? À partir de cette trame, Calderon joue de l'aller-retour grisant entre rêve et réalité.
Chef-d'oeuvre de l'art baroque La vie est un songe a marqué par sa puissante originalité tout le siècle. Corneille s'en souviendra en écrivant L'Illusion comique. La vie est un songe demeure une oeuvre visionnaire d'une grande modernité. Une pièce qui n'a rien perdu de sa jeunesse ni de son souffle, une pièce qui nous renvoie chaque fois l'image de notre réalité ou de notre irréalité. Un plaisir vertigineux qui nous invite, comme Sigismond, à remporter une victoire sur soi-même. --Denis Gombert

Quatrième de couverture
Le riche rêve sa richesse
Qui n'apporte que souci
Et le pauvre rêve aussi
Sa misère et sa détresse ;
L'ambitieux rêve sa noblesse,
Rustre se rêve un laquais,
L'offensé rêve son honneur,
Et il rêve, l'offenseur :
Chacun rêve ce qu'il est
Mais personne ne le sait.
Je rêve ce que je suis,
Prisonnier de cette chaîne ;
J'ai rêvé l'amour, la haine,
Comme dans une autre vie.
C'est quoi, la vie ? C'est frénésie.
C'est quoi, la vie ? Une illusion.
Ce n'est qu'une ombre, une fiction
Qui dans le trouble nous plonge
Et le plus grand bien est petit
Car toute la vie est songe
Et les songes, sont mensonges.

Seconde journée, premier tableau, scène XIX.


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CRITIQUES EN BREF (La Vie est un songe)

« ...méditation baroque à laquelle le texte de Benito Pelegrín fait la part belle... » (J. -P. Léonardini, L'Humanité)

« Le spectateur se laisser porter par le récit de cette aventure épique ». (V. Simonet, Libération)

« ...une adaptation en vers de Benito Pelegrín pleine d'audace et de fantaisie... C'est rare et cela fait chaud au cœur de voir un théâtre capable d'attirer un public si divers pour une pièce du XVII e siècle en vers et somme toute peu connue. » (A. Ronchin, Taktik)

« Quand Calderon touche à la perfection...A commencer par la traduction de Benito Pelegrin. Après avoir œuvré pour Françoise Chatôt avec le Don Juan de Tirso de Molina, ce spécialiste de la littérature espagnole a brillamment relevé le défi d'une traduction en vers. Par un verbe lumineux, limpide, précis, il a su faire ressortir les élans du récit, les moments-clés, les monologues... » (P. Merle, La Provence)

« le tour de force de Benito Pelegrin [...] grand connaisseur de la langue et du théâtre espagnol, il s'est chargé d'dapter à tous les sens du terme, ce chef-d'œuvre aux oreilles fançaises. Il y a là un extraordinaire travail sur les sonorités, la musique, le tempo, la métrique…" (Jean Contrucci, « Livres », La Provence)

«texte clair, limpide, lumineux, issu de l'adaptation remarquable de Benito Pelegrin.» (M. Bianciotto, Rue des Consuls)

«...Benito Pelegrin [...] s'est surpassé puisque se fendant d'une version...en vers ». (Le Vrai journal de l'entreprise)

« Benito Pelegrin s'est lancé [...] dans une traduction audacieuse dont le mérite est d'exalter, grâce aux vers rimés, la musicalité du texte. De le rendre aussi plus accessible en condensant de longues tirades sans rien ôter de leur poésie. » (Françoise Barthélémy, Peuples du Monde)

« On redécouvre La Vie est un songe à la lumière de la récente et remarquable traduction en vers de Benito Pelegrin. Il restitue l'oralité du texte caldéronien, sa puissance physique, son réseau de sens et de tempi, va à l'essentiel en condensant les récits, accentue et théâtralise les potentialités de la pièce. Le texte y gagne en clarté et laisse apparaître les contenus latents de l'œuvre ». (Irène Sadowska-Guillon, Cassandre/38)

« Premier atout de sa performance, le texte de Benito Pelegrin, grand spécialiste de la littérature broque qui signe une version en vers, alliant la clarté de la narration à une merveilleuse musicalité. » (Caroline Alexander, L&A Théâtre)

« enchantement poétique [de] la traduction de Benito Pelegrín, en un verbe pur, savoureux, limpide, lumineux. La précision d'une traduction en vers français est remarquable. Enchantement... » (Josée Baron, Côté Arts)

« La Vie était bien un songe... » (L'Yonne républicaine)

« L'adaptation en vers de Benito Pelegrin [...] laisse une grande souplesse au jeu de la langue et aux signifiants langagiers qui s'y déploient de façon à ce que le spectateur actuel puisse entendre la réalisation de ses désirs, ses tentations et ses doutes. » (Alain Lefèvre, Le Sénonais libéré)

«Benito pelegrín, como lingüista y musicólogo, ha trabajado sobre la naturaleza poética del verso calderoniano, restituyendo su oralidad, su vigor físico, su entramado de sentido y tempo ; le ha devuelto también su variedad métrica, codificada según las situaciones [...] La adaptación de Pelegrín subraya admirablemente la dinámica de la sustancia vocal del verso calderoniano, sus pulsaciones, la circulación de sus ritmos, su respiración. En pocas palabras, la adaptación restablece esa calidad de la poesía donde el sonido hace sentido. El traductor, conservando la integridad dramática del texto, deja su huella en las escenas, va a lo esencial condensando determinados relatos, acentuando y teatralizando aquello que la obra contiene en potencia [...] De este modo, eltexto gana en claridad y, al mismo tiempo, da lugar a la manifestación de los contenidos latentes de la pieza. Cabe apuntar todavía algunas opciones de la adaptación que confieren mayor intensidad a determinados personajes, como Astolfo y Estrella más alimentados dramatúrgicamente y más ambiguos, o Clotaldo, más matizados.» (Irène Sadowska-Guillon, Ade Teatro)

«Du texte de Calderón à la scène contemporaine : fidélité et transgression dans la version en vers de La Vie est un songe de Benito Pelegrín», par Carole Egger, Maître de conférences :

« ...la version qu'en donne Benito Pelegrín relève à mon sens davantage de la recréation que de la réécriture [...] il y défend une conception de l'adaptation théâtrale fondée [... d'une part sur] le respect du contexte culturel et linguistique -on pourrait dire idéologique- qui était celui de Calderón qu'il allie à la volonté de rendre sensible et audible pour un spectateur français contemporain. Fidèle, non à la lettre du texte mais à son esprit et à sa dramaturgie, il demeure également fidèle à la fois à la source et au public pour lequel il entreprend l'aventure. [...] On a parfois le sentiment, à la lecture de cette version française, que le traducteur se conforme davantage que Calderón aux préceptes énoncés par Lope de Vega. Lorsque par exemple, au début de la deuxième journée, Basile et Clothald entrent en scène, il leur met en bouche un mètre long alors que le texte original les fait s'exprimer en simple vers de romance. La relation entre l'espace princier, le statut noble des personnages s'entend déjà dans la prosodie de l'alexandrin à rimes riches. De la même façon, le choix du schéma métrique de la silva (en français alternance d'alexandrins et de vers de six pieds) dans la bouche de Clairon, au moment de l'annonce de sa mort dans la scène 12 du dernier acte, puis de son agonie dans la scène 13, au lieu des redondillas du texte original, découle d'une volonté d'adapter le mètre à la tonalité dramatique de la scène qui devient ici plus grave et plus inattendue. Benito Pelegrín nous a offert ici une version très éloignée à la fois du classicisme académique qu'il abhorre et d'une conception trop littérale de la traduction, Son texte conjugue une grande liberté pour réécrire le texte, pour remodeler sa matière textuelle, et une grande fidélité au texte dramatique dans toutes ses composantes. Il réécrit, au plus près de la lettre et sa fidélité aux principes esthétiques de la comedia est parfois plus marquée que celle de Calderón lui-même. Mélange de tradition et de modernité, fruit d'une activité à la fois critique et créatrice, sa traduction, conservatrice, relève de la culture, transgressive, relève de l'art et en ce sens, elle conforte l'idée que l'adaptation théâtrale peut se concevoir comme un genre à part entière. Du point de vue du contenu, la condensation du texte n'a pas abouti à sa simplification car chacun des aspects de cette cruvre polyphonique et polysémique s'y trouve transposé. "
Carole Egger, communication au XXXII e Congrès de la S. H. F. (Société des Hispanistes Français), 2005, in Traduction, adaptation, réécriture dans le monde hispanique contemporain, Presses Universitaires du Mirail, Toulouse, 2006, p. 179-198.