jeudi, novembre 02, 2006

PLANÈTE FOOTBALL, de A. Canela et R. Chisleanschi, traduit par Benito Pelegrín, préface de J-P. Papin, éd. Parenthèses, 2006, 199 p.

«En regardant les photographies de Andoni Canela on se rend compte que ce jeu de ballon qu'ont inventé les Anglais, il y a un peu plus d'un siècle, s'est diffusé partout, exprimant l'iden­tité particulière de chacun des lieux où il s'inscrit, et qu'il est devenu ainsi un véritable art populaire planétaire. Un jeu bien réglé mais qui autorise l'imagination, une liberté de tous les instants et qui a le don de nous rendre tous égaux. Le football est vu ici comme un voyage, un dépaysement, mais toujours avec ces repères qui forgent les paysages : deux poteaux et une transversale - les cages, les "bois". Que disent d'autre ces photographies venues du monde entier, si ce n'est que ces enfants ont le football authentique en eux, même s'ils ne portent pas de maillots couverts de slogans publicitaires et que leurs chaussures ne sont pas rayées de bandes blanches... Ils ne connaissent sans doute pas les subtilités des systèmes de jeux et peu importe quand on essaye de manier la balle sur des pavés, un tapis de cailloux ou un champ inondé. L'important c'est de reproduire une gestuelle qu'on garde en mémoire, un jeu sans artifice, pour prouver que quel que soit le paysage ambiant - une grande ville, une plage, un désert - la seule présence des "cages", même bricolées ou symboliques, suffit à désigner le sport que l'on pratique. J'ai toujours pensé que pour bien jouer au football, il fallait que chaque action de jeu soit vécue comme la plus importante de sa vie. Mais sans jamais pour autant oublier qu'il y a bien d'autres priorités que le football dans le monde. À voir le plaisir qu'éprouvent tous ces enfants à jouer, je ne peux m'empêcher de penser à tous ceux à qui la vie n'a pas donné cette chance, qui souffrent parfois dans leur corps, mais dont le regard ou les sourires nous disent tant...»
Jean-Pierre Papin

Extrait du livre:
Les fidèles de la religion du foot ont, nous avons, une version personnelle de la Création du monde. Ils disent, nous disons, que ce n'est pas par hasard que les planètes sont sphériques. Dieu les modela de la sorte, ni carrées, ni triangulaires ni ovales car, bien avant de se transformer en un monsieur sérieux à barbe blanche, il avait découvert que rien ne satisfaisait plus son côté ludique et hérétiquement humain que de disputer un petit match amical avec les anges sur le terrain infini de l'Univers. Plus encore, héritiers des anciens astronomes qui expliquaient le cosmos à partir du géocentrisme, les susdits fidèles soutiennent, nous soutenons, qu'il existe une preuve irréfutable de la préférence du Grand Créateur pour notre petite planète : l'aplatissement de la Terre sur ses deux pôles ne serait rien d'autre que la trace de Son pied, théorie plausible si l'on considère que nous parlons du plus habile footballeur qui ait jamais existé jusqu'à la naissance de Di Stefano, Pelé, Cruyff et Maradona et, par conséquent, d'un pratiquant assidu de la «roulette», art le plus grand de ce jeu sans pareil, consistant à manier le ballon de la semelle du soulier ou de la plante du pied. Le seul inconvénient, comme on l'a dit, c'est que cela laisse l'instrument du jeu légèrement déformé, de la même façon que cela est arrivé à la Terre. Les fidèles de la religion du football jouissent, nous jouissons, d'une capacité particulière de nous reconnaître où que nous nous rencontrions. Sans avoir besoin de signes extérieurs ou de lettres de créance pour nous identifier, nous savons nous distinguer facilement.

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